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Santé populationnelle 2022 : interview Alioze à Christophe Clément-Cottuz

Santé populationnelle 2023

Après SantExpo 2022 où le sujet de Responsabilité populationnelle a été assez largement abordé par la FHF et NUMEUM, Alioze, l’agence de communication digitale spécialisée dans le médical, est allée à la rencontre de Christophe Clément-Cottuz, expert dans la transformation numérique des établissements de santé, pour comprendre ce qu’est la santé populationnelle, les enjeux et les perspectives en 2030.

 

1) Christophe, La dynamique de prospective pour 2030 au sein de Numeum est-elle aujourd’hui en place pour accélérer le développement de projets numériques d’envergure coordonnés en France au sein de l’espace européen de santé ?

Au sein de la commission santé de NUMEUM, l’organisation est en place avec trois groupes de travail. Le groupe auquel je contribue, a la mission de développer une vision prospective à horizon 2030 du numérique en santé. L’objectif est d’éclairer les membres de la commission santé sur les opportunités industrielles et commerciales qui vont s’ouvrir dans le champ de la santé numérique et, plus largement, les décideurs des 2 300 entreprises adhérentes de NUMEUM.

Un deuxième groupe de travail prend en charge les relations publiques de la commission. La vision prospective lui servira également à discuter de l’avenir avec les pouvoirs publics français et européens ainsi qu’avec les organisations professionnelles de la santé. Le troisième groupe de travail représente les adhérents dans les travaux avec les pouvoirs publics autour de la règlementation, de la doctrine du numérique en santé et des programmes de financement.

La santé populationnelle entre dans le cadre de la prospective 2030. A part la FHF qui a obtenu le droit de mener une expérimentation, c’est un sujet ignoré en France. Convaincus, nous avons décidé d’inscrire le sujet dans notre programme prospectif. Nous y voyons un vrai bénéfice potentiel pour le système de santé français et une opportunité industrielle et commerciale pour renforcer la filière industrielle du numérique en santé. Notre engagement est de le vérifier en créant un ensemble documentaire à même de donner un éclairage aux décideurs publics et privés.

 

2) Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la santé populationnelle, et en quoi est-ce si important pour les fédérations hospitalières et les industries du numérique, étant vous-même au coeur du comité santé de Numeum et en relation avec la FHF sur ce sujet depuis un an ?

Formalisée en 2008 par les travaux du Institute for Healthcare Improvement (IHI), la santé populationnelle (Health Population Management) est un projet qui consiste à prendre en compte les besoins en santé d’une population donnée avec un triple objectif :

En France, le « territoire » représente la notion de population donnée ; la FHF dans son projet responsabilité populationnelle propose de découper la France en 131 territoires.

Dans le contexte de 2022 et la difficulté posée par les ressources humaines, nous pouvons ajouter un objectif de qualité de vie au travail pour les personnels engagés dans le projet.

Pour reformuler, il s’agit d’aborder la santé de la population d’une manière holistique en maintenant ou en améliorant son état de santé et de bien-être physique et psychologique. Il faut prendre en compte les déterminants sociaux qui contribuent à l’iniquité dans l’accès au système de santé. Cette ambition est portée par une intégration de l’activité des acteurs et des actions ciblées qui incitent chaque personne à être un acteur de sa santé et de son bien-être.

Pour aborder la deuxième partie de la question, la sagesse populaire dit qu’ « il vaut mieux prévenir que guérir ». Si guérir reste une priorité pour l’hôpital et pour les entreprises du numérique, tous les acteurs comprennent que prévenir va contribuer à assurer la pérennité du système de santé voire sa survie. C’est une évolution radicale pour le système de santé puisqu’il ne s’agit plus seulement de soigner quelques dizaines de milliers de patients mais d’inclure dans un système élargi et collaboratif des centaines de milliers voire des millions d’habitants.

L’enjeu pour la FHF porté par l’initiative « responsabilité populationnelle » est de mettre l’hôpital public en pilote du projet au sein de chaque territoire. Pour les entreprises de Numeum, l’enjeu industriel est de développer et commercialiser les systèmes qui permettront de soutenir la mise en œuvre du projet de santé populationnelle en France, en Europe et dans le reste du monde ; tous les pays sont confrontés aux mêmes problèmes. C’est une contribution à l’ambition française portée par la DGE et la BPI d’être une puissance numérique en santé en 2030 en structurant une filière du numérique en santé.

 

Santé populationnelle : perspectives et chiffres 2022-2023

3) Quels sont, selon vous, les perspectives et les enjeux économiques ? Quelles sont les pathologies les plus concernées et les besoins des populations concernées ? Comment consolider une filière dédiée en France dans les prochaines années ?

Pour définir les enjeux, nous avons choisi de les aborder sous l’angle du risque. Que peut-il se passer si nous ne faisons rien ? Pour mesurer ce risque, nous nous sommes appuyés sur les résultats de l’expérimentation de la FHF réalisée depuis 2017 dans le cadre de l’article 51 sur cinq territoires pilotes. Il ressort de ces résultats que sur une population de 1,3 millions de personnes, 490 000 sont qualifiées à risque sur deux pathologies : le diabète de type 2 et l’insuffisance cardiaque. Par ailleurs, les équipes ont calculé le coût de chacune des deux pathologies en graduant la gravité sur une échelle à quatre niveaux ; en prenant le niveau 1 pour chacune d’elle, le risque financier est évalué à 6,2 milliards € sur cinq ans. Pour résumer le risque à couvrir : pour 2,1% de la population française, il faut inclure dans un programme de santé populationnelle plus de 35% de celle-ci sur seulement deux pathologies. En extrapolant sur l’ensemble des risques, c’est probablement entre 20 et 30 millions de personnes qu’il faudra inclure dans le système numérique qui supportera le projet.

Au-delà de ces pathologies, le projet de santé populationnelle peut adresser toutes les pathologies et tous les déterminants qui déterminent l’état de santé des individus. Mais dans le long cours du projet, c’est chaque territoire en fonction de ses analyses qui définira les priorités car il faudra définir des priorités.

A ce stade, et cela aurait dut être mentionné avant, il faut préciser que ce changement ou ce virage vers la prévention ne sera possible que si les acteurs sont rémunérés pour des activités de prévention. Le rapport sur les modes de financement et de régulation publié en 2018 par la DREES a mis en évidence les faiblesses du système actuel basé sur une rémunération à l’acte et le nécessaire virage vers un financement prenant en compte la prévention et la qualité des prestations réalisées.

Pour le volet numérique du projet et sa contribution au renforcement d’une filière industrielle du numérique en santé, il reste à définir et nous sommes persuadés d’une chose : le système numérique sera une construction qui impliquera tous les aspects et talents des entreprises de Numeum et du numérique en général. Toutes les technologies, expertises et savoir-faire seront engagés du cloud à l’intelligence artificielle en passant par la cybersécurité, les logiciels développés par les éditeurs spécialisés, l’internet des objets avec l’intégration de dispositifs médicaux…etc… Start-up et grandes entreprises vont devoir coopérer.

Pour nous éviter de partir d’une page blanche dans la définition de ce système et la description de ses principaux composants, nous pourrons nous appuyer sur l’expérience des organisations de santé qui se sont lancées dans un projet de santé populationnelle. Dans le contexte de filière industrielle française, cela veut dire que nous ne serons pas des pionniers mais des nouveaux entrants sur un marché mondial qui émerge et va se développer. Une étude marché prévoit une croissance à un taux moyen de 21,8% qui fera passer le marché mondial de 47 milliards de $ en 2021 à 280 milliards de $ en 2030 avec les logiciels et les services à parts égales. Si nous voulons réussir en tant que filière, il va falloir : aller vite, innover et produire des résultats.

 

4) On parle de prévention depuis de nombreuses années, les initiatives de la FHF et de
Numeum sur la santé populationnelle ont-elles permis d’évaluer les risques identifiés et de préciser les leviers de développement des services de santé ?

La prévention sous toutes ses formes est dans l’esprit de toutes les parties prenantes du système de santé depuis de nombreuses années.

Les travaux réalisés par la FHF dont nous avons déjà parlé, mettent en évidence deux éléments majeurs dans l’évaluation du risque : le volume de personnes à inclure dans le système et les coûts potentiels de l’inaction. Les leviers pour réussir le projet et développer la prévention dans un système de santé qui se transforme sont essentiellement humains : il faut des patients/usagers qui coopèrent et des professionnels qui retrouvent le sens de leurs métiers avec un outillage numérique qui contribuera à leur qualité de vie au travail.

La data sera à la fois le pivot et le moteur du système de santé populationnelle. Nous pouvons ajouter que le volume de donnée sera considérable. Si l’on veut que les organisations et les individus coopèrent, il faut qu’ils partagent l’information qui leur permettent de voir les situations avec les mêmes yeux. La data permettra de mesurer l’évolution de l’état de santé de la population, d’identifier et suivre les personnes, d’échanger avec les patients/usagers, de mesurer la satisfaction des mêmes usagers : le tout dans un cadre éthique.

 

5) Les enjeux de la santé populationnelle sont-ils compris pour les institutions en charge de ces questions ? Comment les sensibiliser par-delà les expérimentations (article 51) à consolider une gouvernance stable autour de modèles économiques vertueux dans un contexte international très favorable, mais encore balbutiant en France aujourd’hui ?

Oui, nous pouvons dire que les institutions au sens large en charge des populations sur les différents territoires français ont pris conscience des enjeux.

Pour les collectivités, c’est un enjeu politique et une opportunité pour agir. Dans son étude sur la santé de la population française datant de 2017, la DREES indique que 70% de la population de plus de 16 ans se déclare en bonne santé. C’est, donc, 30% cette population qui ne se considère pas en bonne santé soit bien plus de 10 millions de personnes. Nous sommes bien face à un enjeu politique. Une revue des sites web permet de vérifier que la santé de leur concitoyen est une préoccupation majeure pour les autorités en place : nous avons bien une volonté d’agir.

Pour l’hôpital, il s’agit d’accompagner au plus près les évolutions et progrès de la médecine. Les avancées de la génétique et de la médecine personnalisée, les progrès de la recherche sur le vieillissement et les maladies chroniques, l’aboutissement du virage ambulatoire, la collaboration avec les acteurs du territoire pour maintenir les habitants à leur domicile vont changer les modes de fonctionnement de l’hôpital jusque dans son architecture.

Pour les financeurs du système de santé, c’est-à-dire et en bloc, les députés, les entreprises, les assurances, les mutuelles et les citoyens, l’enjeu est d’avoir un système de santé financièrement soutenable sur le long terme. C’est une des raisons pour laquelle nous avons abordé le sujet sous l’angle du risque et c’est le langage de base des financeurs de la santé.

Encore une fois la data sera au cœur du système financier pour mesurer l’état de santé de la population et son évolution, le niveau de satisfaction des patients/usagers et les engagements financiers. Nous avons parlé qualité comme support à la transformation des financements et la data permettra d’appliquer le principe de base d’un système qualité : Prévoir ce qui doit-être fait, faire ce qui a été prévu et prouver que l’on a fait comme prévu.

Finalement est-ce qu’il ne vaut pas mieux payer pour maintenir une population en bonne santé ? C’est une des promesses fortes de la santé populationnelle.

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